Les rétentions d’œufs
Qu'est ce qu'une rétention d’œufs?
Une rétention d’œufs est une maladie obstétricale qui défini comme étant l'incapacité,provisoire ou définitive,pour une femelle ovipare de pondre ses œufs.
Les reptiles présentent,selon les espèces,différents mode de reproduction:
Les espèces ovipares pondent des œufs constitués d'une coquille résistante et renfermant chacun un embryon non viable (ex:Pythoninés...)
Les espèces ovovipares (Boïnés,Vipérinés...) pondent des œufs à coque souple,fine et fragile ayant achevé leur maturation dans les oviductes et contenant des fœtus viables qui rompent leur sac embryonnaire dès la naissance.
Les espèces vivipares (Scincidés) donnent naissance,comme les mammifères,à des jeunes ayant été nourris par un placenta.
Les espèces parthénogénétiques (Rhamphotyphlops braminus,Cnemidophorus spp. et certains Lacerta) sont des femelles capable de donner naissance à des jeunes sans accouplement préalable avec un mâle.
Les rétentions d’œufs sont assez fréquentent chez les espèces ovipares en captivité et constituent un motif fréquent de consultation.
Outre-Atalantique,on considère qu'elles concernent chaque année environ 10 des reptiles captifs avec une prévalence de 42% chez les ophidiens,39% chez les chéloniens et 18% chez les sauriens.
Ces affections potentiellement mortelles ont souvent une origine plurifactorielle.
Elles doivent toujours faire l'objet d'une consultation chez un vétérinaire.
On suppose que les rétentions d’œufs n'existent pas dans la nature.
Le déroulement normal du cycle sexuel chez la femelle
Chez tout les reptiles,les gonades (ovaires et testicules) sont des organes pairs,situés en avant par rapport aux reins et les oviductes des femelles s'abouchent dans le cloaque,au niveau des papilles génitales de l'urodeum.
La maturité sexuelle des reptiles est généralement conditionnée par la taille et non par l'âge (ex:distance nez-cloaque de 30/35 cm chez l'iguan vert Iguana iguana).
Leurs cycles sexuels sont toujours très étroitement liés à divers stimuli environnementaux du biotope (températures diurnes et nocturnes,photopériode,hygrométrie,etc...).
Le développement des ovules en follicules mûrs s'opère sous l'effet d'une hormone sécrétée par l'hypophyse (la FSH) et qui stimule également la fabrication ,par le foie,du jaune de l’œuf.
Les follicules mûrs sont alors expulsés dans les "trompes" puis fécondés dans les premières portions des oviductes.
Particularité étonnante des reptiles:les femelles sont capables de stocker du sperme pendant plusieurs années dans leur cloaque pour s'"auto-féconder" sans accouplement.
Les œufs se développent ensuite,s'enrichissent en albumen (le blanc de l’œuf)et en vitellus (le jaune),puis certaines glandes spécialisées des oviductes assurent la formation de la coquille calcifiée autour de l’œuf.
C'est principalement la chute du taux sanguin de progestérone qui déclenche la ponte
Pourquoi une rétention d’œufs?
Les causes les plus fréquentes de rétentions d’œufs sont les suivantes:
*Absence de site de ponte,ou lieu inadapté à l'espèce
*Stress
*Absence de fécondation
*Immaturité sexuelle des femelles
*Compétition entre femelles
*Carence en calcium*
*Infection des oviductes
*Déshydratation,malnutrition.
Des signes d'alerte!!
Apathie,anorexie et augmentation du volume abdominale postérieur constituent les symptômes classiques d'une rétention d’œufs chez les lézards et les serpents.
Par contre,chez les tortues,la carapace interdit toute expansion de la cavité cœlomique.
Les tortues gravides souffrant de rétention d’œufs présentent toujours dans un premier temps,une agitation soudaine et cherchent à s'échapper de leur terrarium ou de leur enclos.
Les ophidiens présentent la particularité de pouvoir généralement bien supporter une rétention d’œufs pendant plusieurs mois,ce qui n'est pas le cas de la majorité des sauriens et des chéloniens.
Il existe deux grands types de rétention d’œufs chez les reptiles:la rétention pré-ovulatoire,liée à une absence d'ovulation et à un engorgement des ovaires en ovules mûrs devenus énormes(ne pouvant être traité que par ablation chirurgicale des ovaires,appelée ovariectomie),et la rétention post-ovulatoire,qui correspond à un véritable "mal de ponte",lié à une stase des œufs dans les oviductes.
Les rétentions post-ovulatoires sont dites obstructives si elles sont induites par des malformations des œufs,d'anciens traumatismes de la colonne vertébrale ou du bassin,une compression des œufs par des crottes dures ou par un conglomérat d'acide urique.
Elles sont dites non obstructives si elles sont simplement liées à une paresse des oviductes.
Les outils diagnostiques et thérapeutiques du vétérinaire
Une palpation abdominale délicate (attention aux ruptures des œufs dans les oviductes!) et le recours à l'imagerie médicale (radiographie,échographie,endoscopie) permettent toujours de confirmer ou d'infirmer une rétention d’œufs et de visualiser l’aspect des œufs(calcification,forme,volume,obstacles éventuels à l'expulsion).
A la prise de sang,on observe souvent une élévation très nette du taux de calcium plasmatique (hypercalcémie) chez les femelles gravides.
Si la rétention est pré-ovulatoire (blocage de la ponte au niveau des ovaires),l'ablation des ovaires est la seule thérapeutique appropriée.
Si la rétention est post-ovulatoire(blocage de la ponte dans les oviductes),votre vétérinaire vous exposera et mettra en œuvre différentes techniques obstétricales "douces" pour favoriser et déclencher la ponte:isolement au calme et dans l'obscurité de la femelle,réhydratation et restauration de son état général si il y a lieu,légère augmentation de la température du terrarium,aménagement au sol d'un site de ponte adéquat(mélange de sable humide et de vermiculite,par exemple),et injections,plusieurs fois par jour,d'une substance stimulant les contractions des oviductes.
Dans certains cas,et notamment chez les ophidiens et les chéloniens,il est possible d'aspirer à la seringue le contenu de l’œuf situé juste en amont du cloaque,pour en réduire le volume et l'extraire ensuite à la pince,mais cette technique,appelée "ovocenthèse percutanée" est souvent insuffisante.
En cas d'échec,une intervention chirurgicale doit être rapidement envisagée:incision et ablation éventuelle des deux oviductes (salpingotomie ou salpingectomie)
Attention,dans tout les cas,il est fortement déconseillé de faire progresser manuellement les œufs "à l'aveugle" d'avant en arrière jusqu'au cloaque,sans contrôle vétérinaire.
Cette manœuvre peut provoquer une rupture des oviductes.
Texte DR Lionel Schiliger